Lost & Found Part.4

Oskar Gruber suivit le conseil de Zara Vencia. Comme il était sur Borea de toute façon, contacter Drake interplanetary était la prochaine étape logique dans la recherche de l'historique de son navire. Même avec le nom et le numéro d'enregistrement fournis par la chasseuse de primes, cela s'avérerait une tâche difficile. Il commença par contacter les bureaux de la corporation par messages vocaux, ensuite par messages écrits. Ils avaient été très polis au début, mais ils refusaient catégoriquement de transmettre la moindre information concernant la vente d'un navire. Il commença à remonter la hiérarchie de la corporation, là, les gens se montrèrent bien moins polis et toujours aussi peu coopératifs. Il avait finalement décidé de rendre visite en personne aux bureaux de Drake Interplanetary. Il fut reçu assez poliment, mais après moins d'une heure il fut clair pour le personnel de Drake que Gruber pouvait soit partir de lui-même, soit être expulsé de force.

La tension dans sa démarche en sortant du hangar reflétait la frustration qu'il ressentait. Il était arrivé trop loin, pensait-il, pour rester coincer ici. Quelque part, dans les ordinateurs de Drake, il y avait les enregistrements des transactions, quelque chose qui lui dirait d'où provenait le navire. Il commença à imaginer un moyen de pirater le système informatique de Drake, un raid de nuit dans les bureaux de la corporation, une infiltration des employés de la corporation. Toutes ces idées étaient plus mauvaises les unes que les autres. Même s'il possédait les compétences requises pour mettre en place l'une de ces idées, ce qui n'était pas le cas, il terminerait très certainement en prison, ou pire.

Le système Borea était le siège de Drake interplanetary, et l'influence de la compagnie assombrissait tout plan qu'il puisse concevoir. Il n'était pas certain de ce qu'il pouvait faire à présent; l'argent qu'il possédait ne permettrait pas de payer les frais de hangar indéfiniment. Alors qu'il retournait à son vaisseau, il se perdit dans ses pensées, essayant de réfléchir à un plan réalisable. La porte de la soute s'était presque refermée avant qu'il ne réalise qu'il n'était pas seul.

Deux hommes se tenaient aux cotés d'un troisième assis sur une chaise au poste de travail de Gruber. Dans l'esprit de Gruber, ceux qui se tenaient debout ne ressemblait à rien d'autre qu'à deux grosse brutes. Il se demanda comment ils avaient fait pour actionner la rampe de la soute. Le troisième homme était plus petit, habillé de façon pimpante, portant des vêtements de travail bien fait. "Ah, Mr Gruber. Je me demandais quand vous alliez arriver. Je vous en prie." Dit-il en désignant des mains les petits sièges rétractables. "Asseyez-vous." Sa voix était plaisante et il souriait tout en parlant.

Gruber se tenait debout, bouche bée. "Qui êtes-vous ? Et pourquoi êtes-vous dans mon vaisseau ?"

Le sourire ne quitta jamais le visage de l'homme, mais toute trace de civilité avait disparue de sa voix. "Mr Gruber, asseyez-vous." L'une des deux brutes qui se tenait à ses cotés se raidit. Gruber vu un grand pistolet dans sa main mais ne brandit pas l'arme. Il n'en avait pas besoin. Gruber se remémora soudain sa visite à la prison sur Lorona. Il s'assit.

"Mr Gruber", le ton plaisant et civilisé était de retour dans la voix de l'homme, "Mon nom est Mr Reinhart." Il montra des bras les hommes qui se tenaient à ses cotés. "Ceux-ci sont mes associés. Nous sommes employés par Drake interplanetary. D'une certaine manière, nous avons senti le besoin de nous entretenir avec vous. Je crois que vous avez le temps de discuter un moment ?"

Gruber était pâle, mais il acquiesça de la tête.

"Excellent, A présent Mr Gruber, je représente une partie intéressée, qui a eu vent, très récemment, du fait que vous posiez des questions au sujet d'un navire.Un navire bien spécifique. Ce qui a causé un certain niveau d'inquiétude, comme mon employeur est un membre respecté de la communauté et qu'il n'a aucune envie d'être impliqué dans un scandale mêlant des pirates et des chasseurs de primes. Mes devoirs impliquent de m'assurer que cela n'arrive pas. Puisque vous avez été si diligent à poser des questions, je suis certain que vous ne refuserez pas de répondre à quelques unes des miennes. Tel que, pourquoi êtes-vous tellement intéressé par le propriétaire d'un navire appelé Pride of Kingsport ?"

Gruber se raidit. "J'ai juste essayé de retrouver le propriétaire d'un navire. J'ai trouvé des... anomalies le concernant. Je pense que cela pouvait être le nom originel du navire. Rien de tout cela ne justifie que vous fassiez irruption dans mon navire ni que vous me menaciez."

"Oh, Mr Gruber," dit Reinhart, "personne ne vous menace. Pas encore du moins." Son sourire grandit. " A présent, seriez-vous assez aimable de me parler du médaillon ?"

"Quel médaillon ? Je ne sais rien à propos d'un médaillon."

"Ah, Mr Gruber, mentir n'est pas votre fort. Tout comme vous avez mené votre petite enquête, j'ai mené la mienne. Madame Vencia a dit que vous aviez fait un travail admirable en recherchant son propriétaire."

"Pourquoi," Gruber bégayait, "vous aurait-elle dit quoi que ce soit ?"

"Car c'est un chasseur de primes, Mr Gruber. Et un chasseur de primes, ça se paie."

Gruber comprenait qu'il perdait la partie. Il savait qu'il était dépassé. Il avait commencé à se sentir plongeant dans le vide quand il est arrivé à Lorana. A présent il se sentait complètement submergé. "Il est dans le second tiroir sur votre gauche."

"Excellent." Reinhart atteignit le tiroir et l'ouvrit. Il sortit la boite contenant le médaillon et l'ouvrit. Il en fit une rapide mais complète inspection. Ensuite, à la surprise de Gruber, Reinhart prit le médaillon et le tint en face du MobiGlas qu'il avait sur le poignet. "Oui, C'est bien ça.' il fit une pause un moment. "Je pense qu'il est authentique, oui." Gruber réalisa que Reinhart tenait une conversation avec quelqu'un via le MobiGlas, mais il ne pouvait pas entendre ce que l'autre personne disait. Il regarda l'expression de Reinhart se teinter de surprise. "Oui, je peux m'en occuper. Êtes-vous certaine que c'est ce que vous voulez ?... Très bien, dans ce cas, je vais voir ce qu'il en dit." Il s'approcha de Gruber et lui rendit la boite et le médaillon.

"Mr Gruber, Si vous voulez bien prendre quelques heures sur votre temps, le propriétaire de ce médaillon aimerait beaucoup vous parler."

Tout ce que Gruber fut capable de faire c'est d’acquiescer de la tête avec incrédulité.

******

Oskar se retrouva donc escorté par Reinhart et compagnie jusqu’à un complexe d'appartements très luxueux dans un quartier huppé de la Capitale de Borea. Gruber passa le plus clair du court trajet en silence. La frayeur qu'il avait ressenti dans la soute du Outbound Light s'était dissipée, il n'avait en fait pas été réellement menacé, et les hommes qui l'escortaient avaient été très polis, bien que distant. Alors qu'il montait jusqu'au dernier étage avec l'ascenseur, il n'était pas sûr de savoir à quoi s'attendre. Quand les portes s'ouvrirent, Gruber entra dans un vestibule qui semblait aussi grand que le Outbound Light lui-même. Reinhart fit un geste vers un grand éventail de portes. "Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre." Les deux brutes restèrent dehors, dans le vestibule tandis que Gruber et Reinhart se rendirent dans une seconde pièce, aussi grande que la première. Le centre de la pièce était dominé par un grand lit dans lequel reposait une femme. La première pensée de Gruber fut que la femme était âgée, vieille et d'allure frêle. Il n'arrivait pas à déterminer si elle était éveillée ou endormie. Il vit que le lit était entouré d'équipements médicaux. C'était arrangé avec goût, mais leur présence se faisait sentir malgré tout. Alors que lui et Reinhart s'approchaient du lit, les yeux de la femme s'ouvrirent d'un seul coup. Bien que son corps sembla frêle , ses yeux étaient eux, affûtés et cinglant. La chasseuse de Primes Valencia pourrait l'envier. Sa voix était forte aussi, portant au travers de la pièce au fur et à mesure qu'ils approchaient.

"Et bien George, est-ce donc le jeune homme dont vous m'avez parlé ?"

"Oui madame. il est passé au détecteur, pas d'arme."

Elle regarda Gruber de bas en haut puis tourna son regard à nouveau vers Reinhart. "Il n'est pas ce à quoi je m'attendais." Elle tourna son regard vers Gruber à nouveau. " J'ose espérer qu'il ne vous a pas trop effrayé, jeune homme. George..." Elle lança un rapide regard vers Reinhart, "peut être parfois un peu trop surprotecteur. Il est si soucieux de mon bien être. Votre voyage fut plaisant j'espère ?"

"Um, oui, Madame," Dit Gruber, "Très plaisant."

"Je suis bien heureuse de l'entendre." elle tourna son regard vers Reinhart. "Peut être auriez-vous la bonté de nous laisser discuter quelques temps en privé, George."

"Madame ? Je ne suis pas certains que ce soit une très bonne idée."

Elle fit un geste de la main à Reinhart. "Pfff. Arrêtez un peu. Il n'est pas armé, vous l'avez dit, et je doute que ce jeune homme ait fait tout ce chemin juste pour m'assassiner." Elle fixa intensément Gruber. "Et même si c'était le cas, ce n'est pas ça qui changerait grand chose. maintenant sortez."

Au grand étonnement de Gruber, Reinhart hocha simplement la tête et sortit, fermant la porte derrière lui.

"Ho, ne soyez pas si surpris. Il est très bon dans son travail, et il s'inquiète même quand il ne le devrait pas, mais il fait ce qu'on lui demande. Je ne serais pas surpris qu'il se soit montré un peu agressif lors de votre première rencontre, quoi qu'il en soit, n'en tenez pas rigueur, c'est un ami très proche et il est très préoccupé par ma sécurité. Il y a eu quelques menaces de faites à mon égard il y a quelques années, et George a tendance à ne pas laisser ce genre de choses se concrétiser. Personnellement, je pense qu'il exagère un peu dans ses réactions. Vous n'êtes pas ici pour me tuer, n'est-ce pas, Oskar ? Cela ne vous gène pas que je vous appelle Oskar n'est-ce pas ?"

"Um, oui madame. Je veux dire non. Je veux dire, oui, vous pouvez m’appeler Oskar. Et non, je ne suis pas ici pour... vous tuer."

"Elle le regarda avec impatience, "et bien, asseyez-vous donc bon sang, c'est déjà assez pénible d'avoir George et ses deux idiots qui poireautent autour de moi à chaque moment. Je n'ai pas envie que vous fassiez pareil."

Gruber fit ce qu'on lui avait ordonné. Il tira une chaise de l'un des coins de la pièce jusqu'au lit et s'assit dessus, il était émerveillé par la prestance de la vieille dame. Il n'arrivait même pas à s'imaginer à quoi elle devait ressembler quand elle était jeune.

"Bon, et maintenant." Dit-elle, " Avez-vous la moindre idée de qui je suis ?"

"Bien sur. C'est à dire, vous êtes la propriétaire du médaillon, et... au delà de ça, en vérité... non, je n'ai aucune idée de qui vous êtes".

"Mon nom est Irena Marqet."

Les yeux de Gruber s'écarquillèrent. "Le Docteur Marqet ? je vous connais, enfin je veux dire, je connais votre nom. Vous êtes l'une des fondatrices de Drake Interplanetary."

Elle gloussa et lui sourit. "C'est bien cela. Je suis aussi celle qui a construit ce navire au sujet duquel vous ennuyez tout le monde."


*******

L'heure suivant se passa pendant que le docteur Marqet questionnait Gruber. Il avait abandonné toute tentative de poser ses propres questions, Il lui parla de l'opération de récupération et de la découverte du médaillon. Elle l'écouta attentivement quand il lui raconta sa visite à Quister en prison, et il pensa voir couler une petite larme dans ses yeux quand il lui raconta l'histoire de Zara et Drago.

"Quelle histoire, Oskar." Elle secoua la tête. " Qui aurait pu penser qu'un navire puisse avoir traversé tout cela ?"

"Oui madame. Mais docteur Marqet, si cela ne vous dérange pas, j'aimerais bien vous demander-"

"Vous voudriez savoir pourquoi j'ai mis le médaillon dans le navire, n'est-ce pas ?"

Gruber rougit. "Et bien, oui."

"Que savez-vous au sujet de l'histoire de la corporation Drake ?"

"Et bien, je sais qu'elle s'est faite un nom en vendant des navires comme le Cutlass. Et qu'il y a une certaine ... réputation concernant les navires qu'elle fabrique."

"C'est tout à fait vrai, je suppose. Toutes ces horribles publicités que je vois partout. De très mauvais goût, si vous me demandez mon avis, mais apparemment, cela marche pour les ventes, donc sans doute allons-nous continuer à les produire à la chaîne, tout comme nos navires. Bien entendu, officiellement, je ne suis plus la directrice générale, du coup, ils ne sont plus obligés de m'écouter aussi consciencieusement qu'ils le faisaient à l'époque. Et n'essayez pas de jouer les évasifs avec moi jeune homme, je sais parfaitement que Drake gagne beaucoup d'argent en vendant des vaisseaux à des gens qui sont du mauvais coté de la loi. Je vous le promet, tant que l'UEE ne s'en souciera pas, personne à Drake Interplanetary ne s'en souciera non plus. Mais que savez-vous au sujet de la façon dont nous avons débuté ?"

"Je sais ce que j'ai lu. Drake a été fondée par un groupe d'ingénieurs suite à l'échec d'une offre de contrat militaire. Cette offre concernait une sorte de vaisseau de milice. Le Dr Dredge en était la chef de projet, c'est elle qui est à l'origine des débuts de la corporation."

Irena fit le même geste irrité à Gruber, que celui qu'elle avait fait à Reinhart. "Jan Dredge ? Je vous en prie. Elle a étudié l’ingénierie aérospatiale à l'université de Terra. Ils vous balancent un doctorat pour le simple fait de vous être posé sur la planète. Oh, Jan était intelligente, j'imagine, mais elle ne s'intéressait jamais qu'aux petits détails. Les coûts, les coûts, c'était toujours les coûts avec elle. Elle aurait été bien plus heureuse en tant que comptable. D’ailleurs, vous êtes un ferrailleur, n'est-ce pas ? Combien de chefs de projet avez-vous vu réellement travailler sur leurs projets ?" Le Dr Marqet sourit d'un air entendu. "C'est d’ailleurs pourquoi nous avons perdu le contrat avec la Navy de l'UEE, vous savez. Nous étions sous-enchérit comparativement à ce que stipulait le contrat. Oh, Jan était vraiment fou de rage après ça. Tandis qu'elle pensait que nous n'avions pas travaillé assez dur pour garder le tout aussi bon marché que nous aurions pu le faire. Elle était d’ailleurs spécialement en colère contre moi, quand j'ai insisté sur certaines options qu'il restait à ajouter. Sans prendre en compte son avis. " Elle rit doucement. "Et nous avons pris le projet en main et fait des milliards de crédits de plus que si nous avions travaillé pour la Navy de l'UEE. Vous savez, je ne pense pas qu'elle m'ait jamais pardonner pour ça. Mais elle est encore jeune."

Elle se pencha en avant vers Gruber. " Je n'étais même pas supposée faire partie du projet à cette époque. J'avais pris ma retraite quelques années auparavant. J'étais certainement la plus vieille de nous tous. Un de mes collègues, le Dr Allisaid, m'a invité à rejoindre l'équipe. A l'origine, j’étais juste là en tant que conseillère. Mais après quelques mois, j’étais entièrement investie dans le projet. C'était en 2920, vous savez, deux ans avant que nous ne perdions officiellement le contrat avec la Navy. Concevoir un navire, spécialement en partant de rien comme nous l'avons fait, cela prend beaucoup de temps. Franchement, le fait que nous y soyons parvenu aussi rapidement m'étonne toujours." Elle pinça ses lèvres. " Je suppose que Jane mérite un certain crédit. Elle était célèbre pour ses listes, ses tableaux, ses emplois du temps. Hmpf. Je suppose que c'est ce qu'ils enseignent à l'université de Terra." Elle fronça les sourcils. " Le gouvernement s'est toujours accroché à cette stupide pratique de faire des affaires par appels d'offres. S'ils avaient fait preuve de prévoyance, ils auraient su que nous offrions le meilleur vaisseau, comme l'histoire l'a clairement démontré." Elle porta à Gruber un regard interrogatif. "Quand avez-vous entendu quelqu'un pour la dernière fois, faire mention du Wildcat ?"

Gruber leva un sourcil. "Un quoi ?"

Le Dr Marqet clappa des doigts vers Gruber. "C'est exactement ce que je vous disais !" Elle fronça des sourcils à nouveau. " C'est la façon de faire de l'armée j'imagine. J'aurais du le savoir, j'ai passer vingt ans de ma vie à travailler pour eux, avant d'avoir le bon sens de prendre ma retraite."

"Pourquoi avez-vous rejoint le projet alors, si vous aviez prise votre retraite ?"

Elle regarda Gruber tristement. "Car mon mari est mort. Nous étions tous les deux ingénieurs. Nous avions tout donné à l’ingénierie, et nous envisagions enfin de faire toutes les choses pour lesquelles nous n'avions jamais trouvé le temps. Il était sur le point de faire un voyage, faire une conférence à un symposium sur la métallurgie. Le navire sur lequel il se trouvait s'est crashé au décollage. Panne totale des moteurs. Personne n'a survécu. C'était un de ces accidents qui ne sont jamais supposé arriver, d'après les statistiques."

Elle regarda Gruber sèchement. "J'avais le choix, trouver quelque chose à faire, devenir folle, ou mourir. Yuri Allisaid m'a donné quelque chose à faire. J'ai donc mis tout ce que j'avais dans le projet." Elle fit une pause, se remémorant. "Ça faisait du bien de travailler sur quelque chose. Et ça m'a donné la chance de sortir de ce qu'on appelle la culpabilité du survivant. Beaucoup de gens pensaient que je ne voudrais pas le faire, qu'après la mort de mon mari dans un crash, je n'aurais plus voulu travailler dans le domaine de la conception de vaisseaux. Mais c'était cathartique. Oui, nous concevions un chasseur, mais il était conçu pour les mondes extérieurs. La milice locale qui n'a pas le budget de la Flotte. Mon mari provenait d'un de ces mondes. En les aidant dans la conception, je pensais qu'il aurait apprécié que je construise quelque chose pour aider son monde natal et les autres mondes du même type. " Des larmes se formaient sur ses yeux. "Je pensais que si je ne pouvais plus rien faire avec lui, je pouvais encore faire quelque chose en sa mémoire. J'ai perdu un rêve, un rêve où je passais les années qu'il me restait avec lui. Et je l'ai remplacé avec le rêve de ce navire."

"Personne ne pensait que nous pouvions y arriver. Même l'équipe de conception ne pensait pas vraiment que nous avions une chance de réussir. Mais j'avais besoin de quelque chose en quoi croire. J'ai cru en ce navire. Les spécifications que nous avions pour le contrat étaient complètement folles. Honnêtement, quand j'y repense, cela ressemblait plus au genre de manœuvres politiques que vous pouvez voir pour faire croire aux gens que le gouvernement fait réellement quelque chose alors que tout ce qu'il fait n'est que fumisterie et balivernes. Et petit à petit, nous avons tous commencé à y croire.

Nous somme restés debout pendant des heures, trouvant des idées, en éliminant d'autres. Allisaid était un génie concernant le fait de trouver les petits points de détails sympa et de les rendre fonctionnels et utiles. C'est lui qui a eu l'idée du collier d'arrimage monté sur la quille du navire. Une idée géniale, vraiment, mais aucun de nous n'y avait pensé. Oh, bien sûr, on a eu des problèmes aussi. Résoudre le problème des places assises du cockpit par exemple. Vous ne croiriez pas les disputes qu'il y a eu au sein de l'équipe au sujet des sièges coulissants. Jan a même jeté une tasse de café à la tête de Zig. C'était une période folle. Mais ce n'était rien en comparaison de ce qui allait suivre, bien sur.

"A partir du moment où nous avons quitté la phase de conception, et que nous avons commencé à travailler sur le prototype de la coque, nous avons seulement commencé à voir le vrai potentiel du navire. Et bien sûr, nous avons trouvé tous les bugs que nous ne nous attendions pas à avoir lors de la conception de l'informatique de bord. Zig, était le principal ingénieur en énergie, il courait tout autour du hangar, portant son chapeau bleu ridicule, et hurlant avec son accent de Vega, "De la puissance ! Il nous faut de la puissance !" Chaque fois que quelqu'un surchargeait les circuits de couplage. Après avoir fait son cirque quatre fois en une heure, Jan s'est approché de lui, a arraché son chapeau de sa tête et lui a hurlé dessus, "Qui c'est qui à la puissance maintenant ?!" Gruber souriait à la vieille dame tout le long de son histoire.

"C'était de la folie, et stressant, et probablement le travail le moins bien payé que j'ai eu en quarante ans de carrière. Mais c'était incroyable de travailler avec un tel groupe de personne. Je n'avais pas réalisé à quel point j'avais besoin d'eux, ni tout ce qu'ils m'ont apporté, jusqu’à ce nous entrions dans la phase finale des tests. Nous nous tenions prêt à faire les premiers tests de vol, et Yuri m'a regardé et dit qu'il était vraiment désolé que mon mari ne soit pas là avec nous. Je lui répondis que je l'étais moi aussi. Ça fait mal de penser à lui, mais j'ai réalisé que bien que le fait de penser à lui fasse mal, cela ne me tuerait pas, de ne plus l'avoir près de moi." Elle fit une pause, pensive, et Gruber n'essaya pas de dire un mot. "Ce fut un test parfaitement réussi. Meilleur que ce à quoi nous espérions, en fait. Et le jour suivant, j'ai mis ce médaillon dans le navire."
Gruber la regarda, avec respect et admiration. "Je ne l'imaginais pas, je n'en avais pas la moindre idée quand je l'ai trouvé."

Elle hocha la tête. "Comment auriez-vous pu ? Je n'aurais jamais cru que quelqu'un le trouverais, caché ainsi dans le Prototype du Cutlass." Elle semblait se maîtriser et fit un sourire narquois à Gruber. "Après avoir entendu tout ce par quoi il est passé, on devrait l'utiliser comme campagne de marketing. Cela pourrait faire quelques billions de crédits de plus au conseil de direction."

"Mais si c'était le premier de sa catégorie, comment a-t-il finit par être vendu à Zara Vencia ? Je veux dire, n'aurait-on pas du le mettre en vitrine, ou autre chose ?"

Elle rit. "Nous n'avions aucune idée du succès que le concept aurait. Et en ce temps là, nous étions bien trop occupés à lancer la production de nouveaux navires plutôt que de nous occuper de ce qui était arrivé à l'original. Quand nous avons perdu le projet officiellement, nous avons relocalisé dans le système Magnus. Mis en place la première usine, essayant de récupérer des contrats sur place, ce fut un gros travail pour nous tous. Et rappelez-vous, c'était une entreprise conduite par des ingénieurs. Un renseignement qui était perdu, et c'était comme s'il n'avait jamais existé. Jan était toujours en train de crier comme une harpie pour essayer d'asseoir des "parts de marché". Et nous, nous tentions de produire en série le plus de navires possibles, aussi vite que nous le pouvions. A certains moment, on faisait carrément cadeau des navires pour faire passer le mot. La confusion se mit à régner. A ce moment là personne ne vérifiait vraiment si les navires étaient vraiment partis ou non sur nos livres de comptes. J'imagine que j'aurais pu remonter sa trace, essayer de le récupérer, mais pour moi, il avait rempli son rôle. Il m'avait sorti d'une mauvaise passe quand j'en ai eu besoin."

Gruber mit sa main dans sa poche et sortit le médaillon. "Voulez-vous le reprendre ?"

Elle secoua doucement ses mains. "Je suis une vieille femme, et je suis mourante." Elle remarqua l'air inquiet qui traversa le visage de Gruber. "Jeune homme, j'ai travaillé avec des machines pendant toute ma vie. Je sais quand elles sont sur le point de tomber en panne. Et c'est tout ce que nous sommes en réalité, des machines spécialisées. A la fin, certaines parties s'usent jusqu'au point où vous ne pouvez simplement plus les remplacer." Elle lui sourit. "Tout comme les navires que nous avons construit. Mais d'après tout ce que vous m'avez dit à son sujet, je ne pense pas que votre navire en soit arrivé au même point que moi. Pourquoi ne remettriez-vous pas ce médaillon là où vous l'avez trouvé ? Et voyez quel type de vie, il reste à vivre à votre navire."

Gruber lui rendit son sourire et replaça le médaillon dans sa poche. " Oui, Madame. je pense que je vais faire cela."

"Ce fut un rare plaisir que de vous rencontrer, jeune homme. Mais je pense que c'est la limite d'excitation que je puisse supporter en une seule journée. Je vais m'assurer que George vous raccompagne sain et sauf à votre navire."
"Tout le plaisir a été pour moi, Dr Marqet."

Gruber commença à s'éloigner du lit. Quand il atteignit la porte, il tourna la tête et regarda par dessus son épaule. Irena Marqet était toujours éveillée, et continuait à le regarder.

"Madame, si je puis me permettre, j'aimerais vous poser une question de plus ?"

"Et quelle est-elle?"

"Pourquoi avez-vous nommé le navire le "Pride of Kingsport ?""

Il put apercevoir son sourire au travers de la pièce. "Car la ville où mon mari est né était Kingsport. Et je pense qu'il aurait été très fier de ce navire."

****

Gruber termina de replacer le couvercle de la boite de jonction. Le médaillon était retourné là où il l'avait trouvé. Il sourit, se demandant ce que pensera la prochaine personne à le découvrir. Il n'avait aucun moyen de le savoir, bien entendu, mais après sa petite discussion avec le Dr Marqet, il pensait que quelqu'un d'autre pourrait bien le trouver un jour ou l'autre. Et même si ce n'est qu'une rêverie, c'en était une bonne. Il sortit du navire, fit une vérification d'avant-décollage. Il s'assura que la rampe de la soute était bien sécurisée, fit une double vérification de la lumière bleu qui signalait une parfaite fermeture. Il parcourut la coque arrondie avec sa main tandis qu'il fit une inspection finale. Il fit une pause un petit instant, regardant le nouveau nom écrit en lettres jaunes sur le coté du navire. "Golden Opportunity". Il pensait que ça lui allait plutôt bien. Il grimpa par l'échelle à bâbord jusqu'au cockpit et verrouilla la porte derrière lui. Quand il s'installa dans le siège de pilotage, il débuta la séquence de mise en route du générateur et des moteurs pour le décollage. Quand il eut fini, il jeta un regard tout autour du cockpit, comme s'il le voyait pour la toute première fois.

"Tu as été un rêveur, un chasseur, un pirate et un explorateur," songea-t-il. "Je me demande ce que tu seras avec moi ?".

FIN

Correction : Atrilian / Noug
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