CE JOUR là DANS L'HISTOIRE

L'humanité venait de sortir de l'adolescence et commençait à faire ses premiers pas hors de notre monde natal. La planète Mars venait enfin d'être terra formée. Le sénateur Stephen Nguyen avait fini son discours et dévoilait le mémorial.

Les gens de l'assistance appréciaient simplement la fête pendant que la nuit tombait sur la surface de Mars. La chanson "What it Was " des Roomates, qui n'en était qu'au début de sa fulgurante montée en popularité, était jouée dans tout le système alors que la célébration continuait.

C'était la nuit d'un énorme accomplissement Humain. Ca allait devenir la nuit de deux accomplissements.

Un cri aigu perça la musique, attirant immédiatement l'attention des sénateurs, des dignitaires et des scientifiques. Ils en trouvèrent rapidement la source : Kinah Okon, une directrice d'ingénierie de Port Renatus. Originaire du Nigéria sur Terre, elle avait fait partie du projet pendant plusieurs années avec son mari Madu. Plus important encore, elle était enceinte de sept mois, le premier enfant du couple. Le personnel médical sur la base avait attentivement suivi les progrès du bébé, allant même jusqu'à recommander un transfert vers la Terre, mais Kinah avait refusé d'abandonner ce qui était devenu son projet le plus passionné.

Les médecins sur place ont rapidement escorté Kinah et son mari à l'infirmerie. A 1h28 SET, Abeni Okon est devenu le premier Humain né sur une planète autre que la Terre. Ce ne fut pas sans complication, et Abeni a dû passer plusieurs semaines sous observation des médecins.

« Il y avait tant de choses que nous ne connaissions pas. Les différences de base entre Mars et la Terre affecteraient-elles l'enfant ? Nous n'avons rien voulu laisser à la chance. Je me suis senti personnellement relié à cet enfant, à tel point que nous avons peut-être fait preuve d'une prudence exagérée. » Le Dr. Michael V. Smith, chef des installations médicales de la base, inscrivait dans ses mémoires. « Mais personne ne pourraient nier les implications majeures de ce qui venait de se produire. »

Abeni fut par la suite libéré de la station médicale et rendu à ses parents, qui purent finalement ramener leur fille à la maison. Mais quelque chose d'autre les attendait…

La célébrité.

Les organisations médiatiques harcelèrent Abeni, couvrant chaque étape de sa vie. Pendant que Mars se développait et que les gens commençaient à échapper à la Terre désespérément surpeuplée, il devint de plus en plus difficile à la famille d'Okon d'éviter les foules de curieux et d'adorateurs.

« Ils avaient tous l'impression de la connaitre. » Kinah Okon fit remarquer dans une de ses rares interviews : « Elle était la sœur, la fille ou l'amie de tout le monde. Parfois c'était mignon, d'autres fois… pas tellement. C'était un niveau malsain de familiarité de la part d'étrangers. »

Ce n'était qu'une question de temps avant que cette attention perpétuelle ne provoque une réaction violente. Durant la fin de l'adolescence jusqu'au début de ses vingt ans, Abeni semblait s'être résignée et avoir accepté l'adulation et l'attention qu'on lui portait.

On pouvait la trouver dans chaque bar ou chaque fête qui acceptait de payer pour ses apparitions. Elle s'embarqua dans des affaires non sérieuses et généralement elle gaspillait tout l'argent qu'elle pouvait gagner. La couverture médiatique commença à prendre des allures plus sombres : tel un navire endommagé tentant futilement de rester en vol quand tout le monde sait que le crash est inévitable.

Et le crash arriva, mais il ne fut pas aussi public que ce que les gens pensaient qu'il serait. Abeni quittait une fête, une nuit, quand elle fut confrontée à la presse et aux fans qui l'attendait dehors. Il n'y eut aucun combat d'ivrognes ou de jets de bouteilles, juste un échange de mots, et ensuite Abeni s'en alla.

Après cette nuit, elle se retira des projecteurs publics sans aucune explication et commença à travailler dans un de ces programmes communautaires de proximité. Elle se déplaçait souvent, se rendant dans les secteurs qui avaient le plus besoin d'aide et continua de s'éloigner de plus en plus de la célébrité qui l'avait consumée.

Abeni fit sa dernière apparition publique. En 2232, à l'âge de 75 ans, elle était l'invitée d’honneur lors du lancement de l'Artemis. Se tenant debout sur le podium, flanquée du capitaine Lisa Danvers, du directeur de mission Justin Cobb et de têtes distingués de l'Etat, Abeni dit ceci :

« Il y a des moments dont on peut-être fiers. En fin de compte, je suis la seule personne qui ne mérite pas d'être à ce rassemblement, me tenir près de ces personnes comme je le fait. Je suis ici pour la simple raison que j'ai existé. J'ai acquis ma renommée et ma notoriété par aucune de mes actions si ce n'est le fait d'être la fille de mes parents. Mais il y a des gens dont le courage et la conviction font avancer l'Humanité, pas seulement par leurs actions. Elles nous forcent tous à nous regarder nous-mêmes et à exiger que nous nous améliorions. J'ai essayé de vivre mieux que je ne l’aie fait, mais ce que je veux entendre, ce sont les mots de ces vrais héros. »

Elle fit un pas en arrière et passa le microphone à Lisa Danvers pour qu'elle s'adresse à la foule. Ce fut la dernière fois où elle apparut en public et ce fut l'explication la plus précise que quiconque n'ait eu durant toutes ces années concernant les raisons de son changement soudain de mode de vie.

Abeni Okon mourut le 12-09-2252, à l'âge de 95 ans.

Le premier Humain extraterrestre fut mis en terre avec une simple pierre tombale sur un flanc de coteau de Mars : le monde qu'elle a aidé à devenir comme un second foyer pour l'Humanité, qu'elle l'ait voulu ou non.

FIN DE TRANSMISSION

Correction : NOUG